OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Printemps arabes: six mois de lutte et d’espoir http://owni.fr/2011/06/16/printemps-arabes-six-mois-de-lutte-et-despoir/ http://owni.fr/2011/06/16/printemps-arabes-six-mois-de-lutte-et-despoir/#comments Thu, 16 Jun 2011 17:41:31 +0000 Admin http://owni.fr/?p=68302 Six mois. Cela fait six mois que Mohamed Bouazizi s’est immolé à Sidi Bouzid. Son acte désespéré a ouvert la voie à ce que certains ont appelé “le printemps arabe”. Toute la journée de demain, nous nous associons à France Culture pour une journée de débats, d’interviews, de reportages et d’analyses centrés autour de cette thématique:

De Tunis à Madrid: Démocratie, une nouvelle jeunesse?

D’ici là, retrouvez ici une sélection d’articles publiés sur OWNI ainsi qu’une timeline permettant de les situer dans la chronologie des évènements.

L’Europe entre crise économique et indignation

06 juin 2011: “Espagne Labs : inventer la démocratie du futur” (Espagne)

Des assemblées numériques reliées entre elles, un réseau social alternatif, des outils open source et des licences libres en support, le tout coordonné au niveau technique par des hackers. Les acampadas du 15M se préparent à la globalisation du mouvement.

04 juin 2011: “La voix graphique de l’Espagne” (Espagne)
Des voix qui s’élèvent en Espagne pour un changement de système et une démocratie plus juste, nous vous présentons aujourd’hui le versant graphique en 30 affiches.

02 juin 2011: Le peuple connecté se réveille en Grèce
Pression des institutions financières internationales et européennes. Répression du gouvernement. Mécontentement alimenté par l’utilisation des réseaux sociaux. La Grèce ne dort pas et pourrait bien se réveiller brutalement.

31 mai 2011: “Sol, ou quand l’impossible ne peut qu’advenir” (Espagne)
Les campements des villes espagnoles tiennent bon. Retour sur une semaine au cœur de la plaza del Sol au lendemain des élections municipales et régionales. Un récit de Marta Malo de Molina.

24 mai 2011: “Aux sources de la colère ibérique” (Espagne)
Dans la révolte espagnole actuelle, Internet n’a pas seulement joué un rôle de diffusion. La ley Sinde, version espagnole de la HADOPI, a été aussi été un détonateur du mouvement dans le décor économique sinistré.

22 mai 2011: “Sommes-nous prêts à la reconstruction du monde ?“(Europe)
S’appuyant sur l’exemple américain, caractérisé par des inégalités sociales profondes, Framablog envisage la chute du monde occidental, sur le modèle des révolutions arabes. Une utopie pas si irréalisable.

22 mai 2011: Manifeste ¡ Democracia real ya !” (Espagne)
Le mouvement ¡ Democracia Real Ya ! est à l’origine des premières manifestations du 15 mai contre la gestion de la crise économique. Voici leur manifeste, dont nous vous proposons la version française.

21 mai 2011: Comprendre la révolution espagnole
Alors que l’Espagne fait sa révolution sous nos yeux, Enrique Dans, professeur et blogueur reconnu, nous donne les clefs pour comprendre le soulèvement massif du peuple espagnol.

06 mai 2011: Madrid : Fonctionnement d’une assemblée de quartier
OWNI vous propose de plonger au cœur d’une assemblée de quartier et de comprendre son organisation et, au-delà, le processus de démocratie citoyenne, active et participative qui bourgeonne sur les places espagnoles.

05 mai 2011: “Un autre monde est certain” (Espagne)
José Luis Sampedro, écrivain et économiste espagnol de 94 ans, s’exprimait à la veille des manifestations du 15 mai sur les origines de la crise du système économique. Interview.

16 avril 2011: “Tout est prêt pour le changement” (Europe)
Peu d’entre nous arrivent à y mettre les mots, mais beaucoup le ressentent: le monde change. Les technologies sont là, les rapports de force évoluent… mais sommes nous prêts nous-mêmes à entrer dans une nouvelle ère?

Monde arabe

8 juin 2011: “Iranian stories, portail de témoignage” (Iran)
Iranian Stories est une plateforme trilingue de recueil de témoignages. Les témoins de la crise post-électorale de 2009 en Iran peuvent à raconter ce qu’ils ont vu, envoyer photos et vidéos, pour reconstituer un sombre pan de l’histoire iranienne.

07 juin 2011: “La Syrie coupée d’Internet (Syrie)
Vendredi, jour de manifestation de l’opposition, la Syrie n’était plus reliée à Internet. Les fournisseurs d’accès, proches ou aux mains du régime, semblent être derrière ce blackout de 24 heures.

31 mai 2011: “Interview de Slim404 (Tunisie)
Quelques jours après sa démission du gouvernement de transition tunisien, le blogueur Slim Amamou en explique les raisons. Dans un entretien accordé à OWNI, il pointe notamment du doigt l’appareil sécuritaire.

26 mai 2011: “L’exemple syrien désenchante Facebook” (Syrie)
En Syrie, la révolte gronde depuis février. La répression est féroce. Comme ailleurs dans la région, les activistes utilisent Facebook, qui montre ici ses limites. Analyse d’un chercheur du CNRS basé à Damas.

27 mars 2011: “Les accélérateurs du web arabe(monde arabe)
Pour le chercheur Yves Gonzalez-Quijano, les révolutions tunisienne ou égyptienne et leur dimension numérique mettent en lumière de nouvelles sphères publiques dans la jeunesse arabe.

10 mars 2011: “Pourquoi on ne peut pas prédire les révolutions par les données (monde arabe)
La séduisante idée de révolutions déclenchées par des conditions sociales bien définies ne tient pas la route. Prédire ces évènements est impossible, surtout quand les révoltes passées ne sont pas analysées sérieusement.

10 mars 2011: “Tunisie, Twitter, WikiLeaks et l’indécence(Tunisie)
Pour Bruno Walther, il faut raison garder : les événements en Tunisie, “c’est la révolte assez classique d’un peuple contre son oppresseur”. Le poids de l’Internet dans le processus doit être très relativisé.

08 mars 2011: “Facebook et Twitter ne font pas les révolutions (monde arabe)
Les cyber-utopistes qui pensent que les révolutions arabes ont été menées grâce aux réseaux sociaux ignorent les mécanismes d’activisme réel qui les sous-tendent.

30 février 2011: “Internet : Instrument de la contre-révolution égyptienne (Égypte)
Le retour d’Internet en Egypte était attendu comme une libération. Selon des témoignages sur place, il marque surtout la reprise en main du régime.

11 février 2011: “Internet et l’Egypte : qui contrôle qui ? (Égypte)
En Égypte, Moubarak essaie de contrôler Internet utilisé par la contestation pour le déstabiliser. Sans “jovialisme”, ni pessimisme, Internet apparait comme un outil de la contestation que le pouvoir peine à museler.

30 janvier 2011: “Egypte le mode dégradé de la révolution(Égypte)
Internet coupé, c’est Al-Jazeera qui a permis de suivre au plus près le soulèvement égyptien. Au-delà de la couverture, c’est le produit de la somme des sociétés de l’information. Et le web revient par la petite porte…

A voir absolument: le printemps arabe vu et augmenté par Le Guardian.


Illustrations CC FlickR: Believekevin

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Le numérique favorise-t-il l’indiscipline ? http://owni.fr/2011/05/06/discipline-interieur-exigence-numerique/ http://owni.fr/2011/05/06/discipline-interieur-exigence-numerique/#comments Fri, 06 May 2011 10:39:31 +0000 Bruno Devauchelle http://owni.fr/?p=61235 Autorité et discipline (au sens réglementaire du terme) sont souvent associées à numérique dès lors qu’il s’agit de déplorer leur disparition. Les tenants du retour aux anciennes formes scolaires développent souvent ces discours et n’ont d’autres propositions à faire que le retour à un modèle ancien religieusement idéalisé, inspirées par l’image de la pénitence et de la confession qui ont tant marqué l’enfance des jeunes catholiques. Face au numérique et en particulier depuis l’interconnexion des machines, chacun a pu explorer cet « espace de soi » ainsi ouvert par la confrontation personnelle et solitaire à l’écran.

« Chaque être humain dispose d’un réservoir de faiblesses »

À observer chaque jour les petites incivilités ordinaires des adultes, dans de nombreux espaces publics, il n’est pas possible d’ignorer que ces comportements existent aussi dans ces « espaces de soi », dans cette intimité numérique. Car à l’extimité numérique qui étonne les adultes, il faut renvoyer son correspondant pour se rendre compte que la dénonciation si forte de la perte d’autorité et la disparition de la discipline est un problème d’adultes d’abord, et en particulier dans l’espace intime.

L’écart souvent constaté entre les discours sur et le faire réel en matière d’usage des médias et d’Internet confirme cela (on peut aussi le constater sur les routes chaque jour). Chaque être humain dispose d’un réservoir de faiblesses qui peut se vider à tout instant. La principale différence entre l’adulte et le jeune est que le premier a appris à les cantonner le plus souvent à l’intérieur, alors que les jeunes n’ont pas encore appris à les cacher. Rappelons-nous notre jeunesse et nos critiques au monde adulte. Écoutons aujourd’hui les critiques que nous adressent les jeunes.

Pas de discipline extérieure sans discipline intérieure

Cet apprentissage de l’intériorisation des règles (cf. la construction du « sur-moi » de la psychanalyse) lors de l’enfance ne signifie pas pour autant qu’il n’y aura pas de transgression, et le monde adulte en témoigne quotidiennement. Quand nous écoutons les discours du retour à la discipline et à l’autorité, de l’enseignant en particulier,  on ne peut s’empêcher de se demander si cette autorité extérieure ne doit pas être précédée d’une autre construction, celle de la discipline intérieure.

Par exemple, l’idée selon laquelle Internet est source de copiage, de plagiat oublie l’histoire du plagiat. C’est surtout parce qu’il existe des outils formidablement puissants de comparaison de texte que le plagiat, la copie sont plus facile à identifier (et à réaliser). Prenez le cas des copies de mélodies musicales, il est désormais de plus en plus facile de les déceler à l’aide des outils numériques. Ces faits ne changent rien au problème, mais les restituent dans un contexte éducatif nouveau. Or ce contexte éducatif nouveau c’est l’éducation indispensable à la « discipline intérieure » comme complément permanent à la discipline de l’extérieur. L’élève qui copie son devoir sur Internet s’astreint à une activité qui révèle la nature de sa discipline intérieure mais à mettre en relation avec celle de l’extérieur. Autrement dit s’il choisit cette modalité, c’est que les codes externes l’invitent à le faire et qu’il n’éprouve aucune culpabilité parce qu’il pense (sait?) que cette discipline de l’extérieur n’est qu’une apparence.

La notion d’exemplarité suppose que la discipline intérieure s’exprime à l’extérieur. Il est d’ailleurs assez intéressant de noter que cet intérieur a un effet quasi naturel sur l’extérieur, alors que l’inverse est loin d’être vrai (cf. plus haut). L’autorité dite naturelle s’appuierait donc sur la discipline intérieure. Pourtant c’est souvent l’inverse qui est évoqué : une discipline extérieure génèrerait a priori une discipline intérieure (ce que pensent a priori nombre de personnes de tous niveaux qui veulent qu’on édicte des lois dès qu’un problème se pose). L’expérience montre qu’il n’en est rien et qu’au contraire cela provoque à long terme des révoltes, des rejets…

Internet et la confrontation à soi-même

Le numérique, pour ce qu’il renvoie à l’intimité, à la relation individuelle de soi à l’écran et ce qui y transparait, est une opportunité pour s’intéresser à cette discipline. L’ascèse monacale fait parfois sourire ceux qui en ignorent le sens profond, parce qu’elle met un écart très important avec le quotidien de la vie en société. Or l’exigence du numérique c’est le plus souvent en premier une confrontation à soi davantage qu’une confrontation à l’autre, malgré le web 2.0.

Quand, pour la première fois un adulte se confronte à ces machines, c’est d’abord à lui même qu’il est renvoyé (une ancienne émission de la série Strip Tease en témoigne). Il est d’ailleurs assez étonnant de voir la difficulté qu’ont certains adultes (et les enseignants ne sont pas épargnés) à s’astreindre à l’ascèse de la répétition pour accéder à un niveau d’habileté et d’aisance nécessaire à un usage courant. Parce que pour dépasser les premières manipulations simples, il faut « travailler, faire des efforts »… On peut illustrer cette difficulté à propos de la recherche d’information sur Internet et des pratiques adultes (autant voire moins que celles des jeunes) qui sont souvent en difficulté dans ce domaine, rares sont ceux qui ont construit de véritables dispositifs numériques informationnels personnels. Du coup face à ces difficultés, le terme superficialité vient servir de mise à l’écart et donc de disqualification.

Internet, superficiel ?

Le sentiment de superficialité qui serait celle de l’Internet a de tout temps été évoqué à propos de la jeunesse d’une part, à propos de toutes les technologies de l’information (depuis la création des premiers écrits papiers). Ce sentiment de superficialité traduit aussi une perception de la jeunesse par le monde adulte qui peut s’expliquer par l’ignorance de l’expérience personnelle, de l’histoire personnelle. L’accumulation de l’expérience de vie donne le sentiment de prise de distance de plus en plus grand et donc l’impression de maîtriser son environnement, mais fait aussi oublier les étapes qui y mènent. Le jeune qui découvre le monde commence par essayer de le dévorer : sa soif de vie se traduit souvent par une sorte de papillonnage que l’adulte nomme superficialité. Mais c’est de cette superficialité qui va partiellement s’estomper avec l’entrée dans l’âge adulte, ou plutôt dans les âges de l’expérience, que va se développer ce travail vers l’intimation progressive.

Quand on analyse les résultats des enquêtes sur les jeunes face au risque numérique, on s’aperçoit que pour la très grande majorité d’entre eux ils ont acquis une discipline intérieure qui s’est construite de manière dialectique en particulier avec les pairs. On est étonné de constater que les dérapages de certains sont le fait de jeunes à profil non repérés antérieurement (exemples des diffamations sur blog d’élèves par exemple). En fait dans le cadre scolaire la contrainte de la forme scolaire tient le comportement des élèves (hormis dans certains cas comme en témoignent les graffitis sur les tables ou dans les recoins de l’établissement), la discipline extérieure tient lieu de discipline intérieure. À la maison il en est tout autrement si le cadre éducatif ne permet pas ces repérages (cf. quelques affaires récentes concernant la diffamation d’enseignants sur Facebook et leurs suites dans la presse quotidienne régionale).

Un conflit générationnel

Nous sommes donc confrontés actuellement à un conflit générationnel qui, s’il n’est pas nouveau, prend une forme nouvelle. Les TIC apportent un potentiel nouveau de ferment de conflit. Les adultes sont bien plus prompts que les jeunes à aller dans ces conflits, les précédents même alors que les pratiques ne sont pas stabilisées. C’est ce que l’on a observé avec les quinze premières années d’Internet. Or nous sommes en train de passer à une phase de stabilisation, qui est issue de ce que l’on appelle l’intelligence collective. L’appropriation des environnements numériques ont permis l’apparition d’usages attendus et inattendus, mais il a aussi permis la construction de nouvelles sociabilités, la progressive élaboration de nouvelles disciplines intérieures qui s’affrontent encore en ce moment aux disciplines extérieures indiquent que nous allons vers un rapprochement, mais il faut du temps, et pas seulement des lois hadopi, loppsi ou autres… souvent simples témoins de cette croyance que la discipline extérieure est la seule à pouvoir générer la discipline intérieur; c’est oublier la force constructrice des usages et de l’expérience.

A débattre


Article initialement publié sur le blog de Bruno Devauchelle Veille et Analyse TICE

Photos flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification crypto ; PaternitéPas d'utilisation commerciale selva ; PaternitéPas d'utilisation commerciale Darwin Bell

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La jeunesse islandaise, trois ans après la crise http://owni.fr/2011/04/20/la-jeunesse-islandaise-deux-ans-apres-la-crise/ http://owni.fr/2011/04/20/la-jeunesse-islandaise-deux-ans-apres-la-crise/#comments Wed, 20 Apr 2011 17:29:44 +0000 Loic H. Rechi http://owni.fr/?p=58147 Depuis 2009, j’ai vécu avec l’idée fixe qu’il fallait aller absolument en Islande parce qu’il devait forcément s’y produire une sorte de révolution culturelle, à commencer au sein de la jeunesse. Un an avant, l’Islande s’était mangée dans la gueule la crise économique la plus violente de son histoire, un séisme qui en l’espace de quelques semaines embrasa tous les recoins et toutes les âmes de ce petit pays de 320 000 habitants.

L’histoire est on ne peut plus banale. Pendant une quinzaine d’années, de 1991 à 2004, le Parti Indépendant – la droite du pays – sous l’impulsion du Premier ministre David Oddsson, libéralise tout ce qui peut l’être, à commencer par la pêche, l’énergie et les capitaux. Quand Oddsson laisse sa place de Premier ministre, c’est pour prendre la tête de la banque centrale du pays dans la foulée. Il  supervise alors avec bienveillance la folie des banquiers qui consentent des crédits à tout va aux Islandais grâce à quelques montages foireux à l’étranger. En 2008, ce socle de crédits spéculatifs vole en éclat et les banques islandaises – très interdépendantes – s’écroulent une à une. Incapables d’assurer leurs obligations à l’égard de leurs clients, celles-ci sont nationalisées en catastrophe, histoire d’éviter que le pays n’implose.

La crise qui s’ensuit est sans précédent et pour la première fois de mémoire d’Islandais, des dizaines des milliers d’individus descendent dans les rues en décembre 2008 et janvier 2009, érigent des barricades et traquent même physiquement ces banquiers et hommes politiques qu’ils estiment – à raison – être responsables de la catastrophe qui leur tombe dessus.

Un an et demi plus tard, le 17 juin 2010, je débarque donc en terre de glace, à la recherche de la progéniture islandaise, accompagné de David Arnoux, ami et fidèle photographe. L’avion atterrit à Keflavik, l’aéroport de Reykjavik à deux heures du matin, mais à cette période de l’année, la nuit ne tombe plus. C’est le jour de la fête nationale.

Arrivé dans le centre-ville, je me retrouve plongé dans l’ivresse de ceux que je suis venu chercher. La jeunesse est là, complètement défoncée. Le sol est jonché de bouteilles en verre et de vomi. Les individus se déplacent par petit groupe, passent d’un bar à l’autre et ressemblent à la jeunesse de n’importe quel État occidental. D’autres, trop jeunes pour rentrer dans les bars, remontent Laugavegur – l’artère principale – et friment comme des tocards, picolant à bord d’énormes 4×4 peut-être achetés par leurs parents avec un de ces crédits foireux.

Le temps de poser nos affaires dans une auberge du centre que nous voilà déjà dans un bar à descendre des shots d’un alcool sombre infâme en compagnie de Philippe, un Français installé là-bas depuis cinq ans. Le garçon travaille dans un bar branché du centre, connait un peu tout le monde à Reykjavik (une ville de 120 000 habitants) et nous explique rapidement que nombre de jeunes entre 20 et 35 ans ont à peu près tout arrêté pour se concentrer sur la création artistique.

La nuit avance et il nous traine à Bakkus, haut lieu du cocon artistique local. Nombre de jeunes gens que je fréquenterai dans les jours suivants y travaillent; tous sans exception y squattent pour picoler. J’y finirai régulièrement mes nuits, croisant même quelques illustres personnalités locales comme Jónsi, le chanteur de Sigur Rós. Au delà de son statut de lieu de socialisation et de débauche, Bakkus est un premier indicateur de la situation et cristallise le refus de ces jeunes de se construire une carrière classique, préférant à peine subsister économiquement pour se concentrer sur leur art.

Frikki entouré de ses œuvres

L’art (de faire) du fric

Deux jours après notre arrivée, Philippe nous introduit auprès de Frikki, un plasticien d’une trentaine d’années, chez qui on créchera pendant une dizaine de jours. Étonnant au premier abord, il voit des motifs de satisfaction politiques et sociaux dans la crise. Faire tabula rasa du passé s’impose comme une idée très populaire parmi la jeunesse. Artiste depuis toujours, Frikki est ainsi plus optimiste aujourd’hui qu’il y a deux ans. Tout d’abord parce que la crise a changé les esprits et engendré un rejet de la politique telle qu’elle est pratiquée partout dans le monde.

Avant, les gens dans mon genre qui pensaient différemment du gouvernement étaient regardés de haut et se faisaient même parfois insulter. Le terreau est désormais plus fertile pour penser différemment. J’ai toujours détesté cette folie capitaliste et je me suis toujours demandé si j’étais stupide ou pas. Je savais qu’il y avait une logique derrière ce système, mais je ne l’aimais pas. J’avais ce sentiment qu’ils étaient dans l’équipe gagnante et que moi j’étais avec les perdants. Depuis, ce sentiment n’est plus aussi fort.

Du point de vue artistique, la crise a joué un rôle primordial également. Jusqu’en 2008, certains artistes vivaient sur le dos des banquiers, ne se privant pas de vendre leur production à ceux qu’ils se plaisent à détester aujourd’hui. Il n’était pas rare à l’époque qu’un artiste ait son propre mécène. Pour Mundi Vondi – un jeune designer de 23 ans à la réputation internationale naissante – les artistes se sont laissés complètement abuser par le pognon qui inondait le milieu de l’art, et ont cessé d’être des garde-fous de la société pour devenir des clowns à la solde des banquiers. Tous s’entendent sur le fait que la crise a permis aux artistes d’évacuer la dimension monétaire pour se concentrer sur le travail exclusivement.

Mundi Vondi

Solla et Porgerdur, deux jeunes femmes artistes de 25 ans ont ainsi profité de la crise pour récupérer une vieille maison du centre et la transformer en une galerie. Plus qu’un moyen de gagner de l’argent – à part quelques étrangers de passage, personne ou presque n’achète d’art ces jours-ci – la galerie Crymo est une façon de donner de la visibilité à de jeunes artistes et surtout l’endroit idéal pour se retrouver autour d’un thé, d’un café ou d’un pétard afin de discuter d’art et de s’interroger sur l’évolution de la société islandaise.

Tous ont participé aux manifestations de décembre 2008 et janvier 2009, et tous s’accordent sur le fait que la jeunesse a acquis une conscience politique qui faisait cruellement défaut jusque là. Avant cette crise, la jeunesse islandaise a toujours été profondément consumériste et peu nombreux étaient ceux qui s’interrogeaient sur les conséquences durables de quinze années d’ultra libéralisation de l’économie. Aucun ne semblait particulièrement choqué que leurs parents puissent acheter sur un coup de tête une baraque ou un Range Rover à crédit. Comme le raconte Mundi en pleine redescente de l’alcool ingurgité la veille, affalé dans le canapé rouge de son studio, la plupart des artistes n’a pas souffert à proprement parler de la crise car ils ne possédaient rien ou presque, et n’avaient pas croqué dans la pomme empoisonnée du crédit.

Mais ce n’est pas le cas de leurs parents qui ont souvent dû revendre des biens qu’ils n’avaient même fini de payer. Les jeunes comme Mundi en veulent aux banquiers et aux hommes politiques mais ne sont pas dupes de la situation qui prévalait avant la crise. Solla, cette jolie galeriste-artiste de 25 ans tire ainsi un constat sans pitié.

Ce qui se tramait était évident pour qui voulait bien le voir. Sauf que 90% de la nation a choisi de ne pas faire de vagues, de faire semblant de dormir. J’ai été élevée par des gens de gauche, je savais donc que ce n’était pas une situation saine. Je suis en colère contre les politiques de droite et David Oddsson qui ont fait péter toutes les barrières, ont tout libéralisé et rendu la tâche si facile aux banquiers pour faire n’importe quoi. Rien que les quotas sur le poisson. Ca a fait mourir ces petites villes et c’était sans doute le point de départ à toute cette merde.

L’histoire des quotas sur le poisson illustre à merveille le ressentiment et le malaise de ces jeunes vis à vis de leurs politiques. En 1984, le gouvernement de droite instaure un système selon lequel chaque propriétaire de bateau possède le droit théorique d’acheter une quantité de poisson proportionnelle à sa taille. Puis en 1990, sous l’impulsion des politiques économiques agressives menées par le Parti Indépendant, ces quotas deviennent transférables. Les propriétaires de gros chalutiers rachètent alors leurs quotas aux petits pêcheurs et en l’espace de quelques années à peine, l’ensemble des ressources en poissons de tout le pays se retrouve concentré dans quelques mains, une aberration et un motif de colère pour chaque Islandais.

Solla sur les marches de la galerie CRYMO

De la politique comique au comique politique

Ce voyage en Islande a été l’occasion de louer une caisse et de remonter un bout pays du Sud au Nord en sillonnant à travers mer et montagne pour aller jusqu’à Flateyri, un des ces minuscules villages de pêcheurs situé au fin fond des fjords de l’Ouest qui paient les conséquences de cette libéralisation sauvage. Là-bas, la petite usine de poissons est en cessation de paiement, mais depuis la crise, une nouvelle population est apparue. Des artistes encore et toujours. Ne voulant plus assumer la vie chère propre à Reykjavik, ils viennent ici se consacrer à leur art et passer du bon temps. On se lève à l’aube quand on ne se déchire pas trop la tête la veille pour aller pêcher quelques soles, faire de la confiture ou du pain.

Là-bas, j’ai atterri chez Malgorzata, une Polonaise de 27 ans qui vit en Islande depuis quatre années. Mélange d’écrivain, de peintre, de designeuse et de guide touristique francophone, pour gagner un peu de thunes en été,  Mao – son surnom – est devenue Islandaise d’adoption. Elle maitrise parfaitement la langue et fait partie de ces électrons libres de la scène islandaise. Au chômage, elle a pris le parti de quitter Reykjavik notamment parce qu’avec les 35% d’inflation consécutive à la crise, acheter du vin, du café, des cigarettes ou de l’essence devenait très compliqué pour elle. Pas pessimiste pour autant, Mao considère que la crise a aidé à se recentrer sur des valeurs moins capitalistes, des valeurs de partage et d’écoute.

Malgorzata AKA Mao

Beaucoup des amis islandais de Mao viennent passer des périodes indéterminées dans ce petit paradis naturel du bout du monde. C’est le cas de Lili, une productrice freelance de films publicitaires et de séries. Au détour d’une clope et d’un café dans le jardin de Mao, cette jeune fille pas tout à fait trentenaire me raconte que beaucoup de gens de sa famille sont aujourd’hui dans la merde mais que les Islandais ont été enivrés par l’argent.

Comme tant d’autres, Lili est en colère et espère que banquiers et les politiciens devront payer un jour pour le mal qu’ils ont fait à ce pays. Elle concède pourtant que le fait de participer aux manifestations et de voir ses proches morfler lui a fait prendre conscience de l’importance de participer à la vie politique. Comme à peu près tous ces jeunes avec qui j’ai trainé durant deux semaines, elle a voté pour Jon Gnarr, le comique le plus connu du pays devenu contre toute attente maire de Reykjavik en juin 2010.

De retour à Reykjavik, j’ai eu l’occasion de parler longuement de cette élection avec Frikki et Kristján Freyr – le manager du label Kimi Records – qui connaissent tout deux très bien cet ovni qui a fait rentrer des femmes au foyer et des chanteurs punk au conseil municipal de la ville. Pour eux, l’élection de Jon Gnarr traduit en fait le ras le bol vis-à-vis de la corruption des hommes politiques locaux, et met sur le devant un mec honnête, à l’esprit non sclérosé par le bullshit habituel qui sied si bien aux gouvernants.

Dans une société minuscule où tout le monde se connait, les collusions entre politiques, banquiers et journalistes étaient souvent outrageantes en raison de réseaux d’influence sont très resserrés. Les élites ont fréquenté les mêmes écoles et possèdent des intérêts professionnels et personnels irrémédiablement mêlés. Pour que les banquiers soient formellement accusés du fiasco dans la presse, il a fallu que WikiLeaks la mette devant le fait accompli en juin 2009, nombre de journalistes ayant jugé préférable de ne pas se mouiller ; une minorité ayant tout bonnement été censurée. C’est le cas de Jon Bjarki Magnusson – un jeune journaliste devenu figure nationale en faisant quelques révélations – qui passera un bout d’après-midi à me raconter comment le patron de DV – le journal pour lequel il travaillait – fit sauter une de ses enquêtes mettant en cause une des huiles de Landsbanki.

Kristj†n Freyr chez KIMI RECORDS

“La gauche doit nettoyer la merde laissée par la droite”

Aujourd’hui encore, le journalisme islandais baigne dans ses mauvais travers. David Oddsson est ainsi devenu rédacteur en chef de Morgunbladid, le principal journal du pays. Cette réalité hallucinante, tous les jeunes de la scène artistiques de Reykjavik la déplorent évidemment. Si ces Islandais ne font pas confiance à leurs médias, c’est également valable en ce qui concerne le gouvernement de gauche de Johanna Sigurdardottir, élue à la tête du pays après la crise. Tous savent, selon une expression récurrente, que la gauche “doit nettoyer la merde laissée par la droite“.

Mais tous ou presque – même s’ils apprécient souvent le personnage – considèrent que son élection n’a pas changé grand-chose. Comme me le confieront Tómas et Magnus – les membres du duo electro Quadruplos – au détour d’une énième bière chez Bakkus, on leur a parlé de transparence, mais celle-ci tarde à se faire sentir, quasiment deux ans après le tsunami politique et économique.

Tómas et Magnus, les membres du duo electro Quadruplos

Au cours de ces deux semaines passées en Islande, j’ai cru comprendre que cette jeunesse trouve cette crise salvatrice sous certains aspects, sans pour autant la considérer comme un bien absolu, la visibilité sur les conséquences en matière d’éducation, d’économie ou de politique étant encore très incertaine.

Cette incertitude face à l’avenir couplée au rejet des valeurs capitalistes et politiques qui ont façonné la première partie de leur existence explique sans doute le fait que nombre de jeunes se soient aujourd’hui tournés vers des activités artistiques et créatives. Véritable famille, cette jeune scène artistique s’organise comme une communauté, se partage ateliers et locaux de répétition et se serre les coudes, les uns étant toujours prêts à payer à bouffer ou à boire à ceux qui sont fauchés.

Pour autant, l’art ne semble pas vraiment s’imposer comme un moyen de protestation crédible. Tous ou presque ont participé à la révolution des casseroles en décembre 2008 et janvier 2009, mais sans doute plus au titre de citoyen qu’en qualité d’artiste. Quelques heures avant mon départ, j’ai pourtant rencontré une voix quelque peu dissonante. Jón Örn Lodmfjord est poète de 27 ans. Pendant et après la crise, il a tapé sur les hérauts du système à travers son journal Nyhil – un terme assez dur à traduire, contraction de nihilisme et de nouveauté. Courant 2010, le Parlement a rendu public le premier rapport sur la crise, un rapport massif de 2000 pages censé analyser et tirer les conséquences des mécanismes foireux qui ont plongé ce petit pays dans le chaos. Moquant ouvertement un document qui à aucun moment ne prend la peine de réfléchir à l’avenir, Jón l’a détourné et en a fait un livre, une satire poétique singeant le vocabulaire des hommes politiques.

Jon Orn Lodmfjord

Terrassé par une monumentale gueule de bois, ce grand brun barbu aux yeux sombres dissimulés derrière des lunettes ne mâche pas ses mots à l’égard des politiques mais aussi ses jeunes compatriotes auxquels il reproche d’avoir fait de la crise une bataille trop tournée vers des individus mais pas assez vers le système lui-même. Jón dénonce le nationalisme qui a gagné le cœur de beaucoup de jeunes et à la différence de tous les autres ne fait pas preuve d’optimisme pour l’avenir.

Malheureusement, il n’y a pas assez de débats. Beaucoup de gens essaient de créer cette distinction temporelle de “l’avant et l’après la crise” mais dans le fond, rien n’a vraiment changé. On entend souvent qu’on est revenu aux vieilles valeurs – la famille, l’entraide – mais compare avec d’autres pays et tu verras que ça a toujours été très important ici. Il faut arrêter avec cette histoire de vieilles valeurs traditionnelles de l’Islande, parce qu’il n’y en a pas. Quand j’y pense, je ne trouve pas vraiment de trucs positifs à ressortir de cette crise si ce n’est que Jon Gnarr n’aurait jamais gagné avant la crise. Mais si les gens sont en colère ils n’ont jamais trouvé de moyens crédibles pour l’exprimer concrètement.

Le constat de Jón, ce révolutionnaire dans l’âme, est critique, mais toujours est-il que pour la première fois depuis longtemps, les facs d’économie et les écoles de commerce ne sont plus pleines à craquer et la politique, domaine si longtemps laissé à quelques élites, connaît un regain d’intérêt populaire. On ne peut pas reprocher à Jon Gnarr et Johanna Sigurdardottir d’essayer de faire leur boulot, de tenter de faire changer les mentalités et de travailler à expliquer à leur nation que l’opulence d’hier n’est désormais qu’un lointain souvenir.

Mundi, Frikki, Solla, Lili, Mao, les deux Jón, Tomas ou Magnus, eux semblent l’avoir déjà compris. Alors ils avancent, à leur rythme, au gré de leur art et de leurs états d’âme, avec l’espoir sans doute de reconstruire une Islande plus saine, pas pourrie par ce capitalisme qui a désormais inondé la planète entière. Poétique et honorable, leur combat n’est pas vain et il souffle sur l’Islande un doux vent idéologique qui fait chaud au cœur quand on vit parmi ces jeunes, au contact de leurs espoirs et de leur ambition. Mais au regard de l’économie qui semble enfin repartir, il paraît bien difficile à croire que l’histoire ne se réécrira pas de la même façon en Islande comme ailleurs.


Toutes les photos sont l’œuvre de David Arnoux

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Ce qui ne va pas avec la culture http://owni.fr/2011/01/28/ce-qui-ne-va-pas-avec-la-culture/ http://owni.fr/2011/01/28/ce-qui-ne-va-pas-avec-la-culture/#comments Fri, 28 Jan 2011 09:00:19 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=42759

Une association de développement culturel me fait parvenir un courrier invitant à une journée de réflexion sur les liens unissant adolescents et culture dans le contexte scolaire.

L’argument est libellé comme suit:

Les jeunes d’aujourd’hui sont-ils brouillés avec la culture? Les adolescents ont-ils de nouvelles façons de se cultiver? Comment faire naître le désir de culture et de découverte artistique chez les adolescents? Comment les amener à croiser la matière culturelle? Y-a-t-il des oeuvres spécifiques pour les adolescents?

Malgré le caractère bien intentionné de l’initiative, quelque chose me gêne profondément dans cette manière d’aborder la relation au fait culturel. La formule: « Les jeunes d’aujourd’hui sont-ils brouillés avec la culture? » ne semble pas envisager une seule seconde que les “jeunes” possèdent déjà un bagage culturel qui leur est propre, construit par leur expérience cinématographique, télévisuelle, vidéoludique ou web, qui structure leurs échanges et génère des postures d’expertise ou des mécanismes d’apprentissages et de transmission complexes.

Dans la phrase: « Les adolescents ont-ils de nouvelles façons de se cultiver? », doit-on lire “se cultiver” comme une allusion à cette culture vernaculaire, ou bien l’expression ne renvoie-t-elle qu’à l’accès à la culture savante?

Le malentendu porte sur l’emploi du terme “culture”, qui n’est à l’évidence pas utilisé ici dans son sens anthropologique, autrement dit comme l’ensemble des représentations propres à un groupe quel qu’il soit, mais plutôt dans le sens qui est le sien dans le syntagme “ministère de la culture”, et qui devient beaucoup plus clair si on le remplace par le mot “art” – par exemple: « Les jeunes d’aujourd’hui sont-ils brouillés avec l’art? ».

“La” culture contre “les” cultures: la culture institutionnelle imposée de façon paternaliste à une classe d’âge plutôt que la prise en compte des représentations autonomes d’un groupe n’est rien d’autre qu’une usurpation du terme “culture”, employé à tort comme cache-sexe des pratiques artistiques de la classe dominante, comme dans “ministère de la culture” (qui n’est en réalité qu’une tutelle des métiers artistiques reconnus par l’institution).

Problème: cet art qui n’ose pas dire son nom, cette substitution même exprime la perception d’une ringardisation des pratiques et des représentations des beaux-arts et de la littérature, qu’il est nécessaire d’habiller d’un costume plus moderne pour les rendre présentables. Autant dire que la réponse est dans la question. Comment rendre les jeunes plus attentifs à l’univers démonétisé des Muses? En le dissimulant sous le masque anthropologique des pratiques culturelles. Pas glop.

Article initialement publié sur Culture Visuelle

>> photos flickr CC Dawn Endico ; See-Ming Lee

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Tumblr: la génération Skins connectée http://owni.fr/2011/01/16/tumblr-la-generation-skins-connectee/ http://owni.fr/2011/01/16/tumblr-la-generation-skins-connectee/#comments Sun, 16 Jan 2011 13:00:06 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=42383 Le premier, c’est Tommy, amateur de paradis artificiels et jeune anglais de 17 ans. Tommy n’est qu’un de ces gars indie. Il aime les tatouages, les filles, et les garçons. Il n’est pas bisexuel. En revanche, il se dit pansexuel. Pas de genres, pas de sexes, juste de l’amour et du sexe. En parlant de sexe, Tommy a mis en ligne le sien début décembre. Pour les anonymes, dit-il. Ils sont d’ailleurs une quinzaine a avoir apprécié cette photo. La grande majorité a moins de 20 ans.

Les autres viennent d’Espagne, des États-Unis ou du Royaume-Uni. Sur tous leurs blogs, la sensualité est palpable. Entre deux photos de hipsters à lunettes torse nudes photos de couples et quelques images d’Harry Potter. D’autres images floues, surmontées de phrases légèrement stupides mais qui peuvent sembler follement romantiques. Et puis des captures de film, qui côtoient des photos de groupes de rock passés ou présents.

Les adolescents qu’on croise sur Tumblr semblent beaucoup plus intéressants que les Skyblogs où des jeunes évoquent leurs vies à coup de photos d’eux ou de soirées et de textes aux couleurs de l’arc-en-ciel. Plutôt que de se raconter à travers leurs vies, ces jeunes utilisateurs nous racontent leurs vies grâce à ce qu’ils aiment sur Internet. Tumblr étant à la génération Skins ce que les Skyblogs sont à la génération nan-nan.

Tumblr est apparu en 2007. Le principe, appelé surf-blog, est on ne peut plus simple:  on y poste rapidement les fruits de ses explorations. Chacun s’abonne aux Tumblr qu’il aime, repostant (on dit rebloguer) les articles favoris ou “likant” les autres. Tumblr se place entre le synchrone d’une timeline qui bouge en temps réel sur tumblr.com et l’asynchrone du blog qui présente toutes les découvertes de manière fixe. En cela il se démarque de Twitter où les archives ne sont pas facilement accessibles. Il se démarque également des autres plate-formes où l’ensemble des articles n’est accessible que grâce aux fils RSS.

Qualifié souvent à tort de Twitter multimédia, Tumblr développe donc des communautés importantes qui sont encouragées par les éléments tels que le reblog, les questions voire les propositions des lecteurs. Chaque auteur dispose des outils pour améliorer le contact avec ses lecteurs. Tumblr, c’est tout à la fois: un blog, un réseau social, une plate-forme de partage de contenu, un formspring, un Twitter.

D’ailleurs, certains ne s’y trompent pas. Non seulement la plate-forme a récemment levé 30 millions de dollars, mais de nombreux méta-Tumblr existent, soit sur la plate-forme même, tel que The Daily What, revue de web sur Tumblr, qui a récemment rejoint le network de I Can Haz ou en France avec la rubrique de Fluctuat, au nom follement original, Tumbl’Heure.

En France toujours, Tumblr a été marqué par le développement des “Bonjour” il y a quelques mois. Là encore, le principe est déconcertant de facilité: des sites publient chaque jour une photo. Cela va des sexys “Bonjour Monsieur” ou “Bonjour Madame”  aux plus politiques comme “Bonjour la Droite” (alimenté par le Parti Socialiste), en passant par “Bonjour Poney” ou “Bonjour les moches“. Sites de collections qui font écho aux “Fuck Yeah” anglophones collectionnant également les photos les plus originales souvent très précises, allant des moustaches ou des filles avec des tâches de rousseurs aux plus délirant”Kim Jong-Il looking at things“.

En conclusion, voici quelques règles à connaître sur Tumblr et une petite application qui propose de chercher des images de Tumblr pour les faire apparaître sur n’importe quel site.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

(image par Intertitres, tumblr “arty”)

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Le problème jeune, cache miséreux de la société française http://owni.fr/2011/01/10/le-%c2%ab%c2%a0probleme-jeune%c2%a0%c2%bb-cache-misereux-de-la-societe-francaise-precarite-jeuness/ http://owni.fr/2011/01/10/le-%c2%ab%c2%a0probleme-jeune%c2%a0%c2%bb-cache-misereux-de-la-societe-francaise-precarite-jeuness/#comments Mon, 10 Jan 2011 15:53:05 +0000 CSP (Comité de salut public) http://owni.fr/?p=37553 Moitié-moitié : c’est ce qu’on se dit après la lecture de cette tribune du sociologue Louis Chauvel sur la jeunesse sacrifiée. Moitié diagnostic juste, moitié à côté de la plaque concernant les responsables réels de ce sacrifice et quant aux solutions proposées. Comme si le chercheur avait commencé à voir juste sans aller jusqu’au bout de sa propre logique, en reculant en quelque sorte sur les pistes de réflexion pourtant évidentes pour sortir et le d’jeunz et les autres aussi de l’effroyable merdier dans lequel nous ont précipité trente années de délire néolibéral.

Quels sont les symptômes de ce mal-être collectif ? Les plus visibles relèvent des difficultés de la jeunesse. Nous le savons, trente-cinq ans après l’extension du chômage de masse, la jeunesse a servi de variable d’ajustement. Chômage record, baisse des salaires et des niveaux de vie, précarisation, développement de poches de travail quasi gratuit (stages, piges, free-lance, exonération de charges, etc.), nouvelle pauvreté de la jeunesse, état de santé problématique et faible recours aux soins, absence d’horizon lisible.

Pourtant, il semble bel et bien que ce ne sont pas des gouvernements de gauche – ou en tout cas de vraie gauche, s’entend bien – qui ont construit ce drame collectif, mais des « élites » toutes massivement converties à l’économie de marché ; Louis Chauvel n’en parle pourtant pas, ou en tout cas n’adopte pas cet angle et trouve à déplacer le centre du problème non sur la réalité d’une classe exerçant une férule sans partage ni pitié sur une autre, mais construit une opposition générationnelle jeunes Vs. vieux qui déplace complètement la question.

Le « jeune » est partout… et donc nulle part!

Puisque ce n’est pas seulement pour les jeunes que l’avenir est sombre, mais pour ainsi dire tout le monde, exceptés bien entendu ceux qui profiteront largement de l’aliénation généralisée en chantier actuellement. Le sociologue choisit de se focaliser sur une classe d’âge spécifique, les « jeunes », pauvres, et les oppose à des « vieux » baby-boomers censés êtres nantis et doté d’un patrimoine conséquent notamment immobilier en ayant l’air d’oublier qu’avant que d’être une histoire d’âge, la domination se construit d’abord par rapport au statut social : un « jeune » précaire et un « vieux » à retraite minable ont plus en commun qu’un « jeune » sorti de grandes écoles et qui bénéficiera du réseau des « vieux » – ses parents et leurs connaissances – pour se placer à un poste valorisé et valorisant.

La construction de l’objet « jeunes » est de plus, outre son caractère spécifiquement occidental – au Pakistan, on a pas le temps d’être « jeune », on est à l’usine à 10 ans pour fabriquer des ballons de foot -, m’a toujours posé souci dans la mesure où précisément, quand on y regarde de plus près elle n’est que cela : une construction générique fallacieuse recouvrant des réalités et des vécus extrêmement disparates. Le « jeune », en fait, ça n’existe pas. La « jeunesse », si elle est une tranche d’âge commune à une multitude ne rassemble pas pour autant ni les mêmes personnes ni les mêmes destins sociaux.

Le seul vécu commun des jeunes : subir le pire que la société a à offrir

Non pas cependant qu’il ne faille pas se préoccuper du sort de cette classe d’âge qui fait partie, c’est incontestable, de ceux qui sont et seront les plus durement frappés par la saloperie en cours et sur ce point aussi Louis Chauvel tape juste.

Par-dessus tout, une frustration générale envahit les esprits devant l’accumulation des promesses non tenues : celle du retour au plein-emploi grâce au départ à la retraite des premiers-nés du baby-boom (rapport Teulade de 1999), de meilleurs emplois par la croissance scolaire, dans un contexte où le travail seul ne permet plus de se loger. Il s’ensuit une colère, voire une haine, qui se détecte clairement dans la jeunesse de 2010 et que le mouvement sur les retraites a paradoxalement canalisée.

Haine qui malheureusement, devant l’absence de débouché progressiste, peut très bien décider de se canaliser électoralement vers ceux et spécifiquement celle qui leur fournira les réponses les plus simplistes. Puisque comme le dit Eric Coquerel du Parti de gauche, on ne peut effectivement qu’être « inquiet de voir «des gens touchés par la crise, aspirant à des ruptures et des bouleversements» mais «qui ne font plus la distinction entre la gauche et la droite». «Ils peuvent, dit-il, être séduits par une alternative cauchemardesque»
(J’aurais évidemment préféré trouver cette phrase dans la bouche d’une personne du NPA, mais il est vrai que nous sommes terriblement occupés actuellement à débattre démocratiquement dans le respect de la parole de chacun afin que toutes les tendances puissent s’exprimer…)

Là où Louis Chauvel se plante, et sévèrement, c’est par la construction de son opposition entre « jeunes » et « vieux », car même si le poids démographique d’une population vieillissante pèse de plus en plus lourd politiquement parlant, et contribue, de fait, au « caractère profondément conservateur, rentier, de la société française dans son entier » – l’ambiance de conservatisme réactionnaire qui traverse tout le corps social trouve là une grande partie de son explication : les vieux regardent TF1 et flippent et ils votent en fonction de ce ressenti…-, les grands coupables de cette situation ne sont au final pas tous les « vieux » mais certains « vieux » : ceux qui possèdent le plus de patrimoine, immobilier entre autres, et comme par hasard possèdent aussi les moyens de productions.

Quand taxerons-nous les vieux rentiers ?

Quoi de commun entre Liliane Bettencourt (88 ans), Ernest-Antoine Sellière (73 ans), Serge Dassault (85 ans), et leur équivalents en âge qui croupissent dans ces mouroirs que son les maisons de retraites ? Et si vous voulez voir une belle brochette de baby-boomers et autres sémillants quinquas – sexas pas vraiment inquiets pour leurs retraites, c’est très simple : regardez les dates de naissance du conseil exécutif du MEDEF

La véritable opposition, le noeud du conflit, il se trouve dans des vieux bourgeois contre des jeunes déclassés ET tous les autres aussi…

Du coup, cette analyse déplace également les propositions à faire pour rééquilibrer la balance puisque si on ne peut nier l’urgente nécessité d’une politique du logement ambitieuse et particulièrement volontariste – allant jusqu’à confisquer les logements inoccupés à ceux qui refusent de les mettre sur le marché en préférant spéculer dessus (oui, ça sera une atteinte atroce au droit de propriété, en effet, le totalitarisme vous dis-je), il ne semble pas sot de se dire que ces vieux là, qui effectivement possèdent tout et refusent catégoriquement désormais de même laisser des miettes – rupture du « contrat fordiste » et recherche frénétique de la maximisation des profits -, il ne semble donc pas complètement aberrant que de vouloir les mettre à contribution et ce, disons, lourdement…

C’est en ce sens que Louis Chauvel, malgré des prémisses intéressantes, se trompe d’objets de défiance, mais il est vrai que tout ce qui précède est en effet quelque peu « marxiste » en effet ; et n’est-ce pas, le marxisme et ces 15 milliards de morts, on aura pas la vulgarité de l’employer en sociologie.

Billet initialement publié sur le blog Comité de salut sous le titre Le problème n’est pas là.

Photo FlickR CC slworking2 ; The US National Archives.

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Japon : la révolution tranquille des NEET http://owni.fr/2010/12/18/japon-la-revolution-tranquille-des-neet/ http://owni.fr/2010/12/18/japon-la-revolution-tranquille-des-neet/#comments Sat, 18 Dec 2010 09:04:02 +0000 Tomomi Sasaki, trad. Gael Brassac http://owni.fr/?p=39366 Dans un article intitulé « Revolution of the NEET (lol) » [jap], Sayuri Tamaki passe en revue la génération des NEET (Not in Education, Employment, or Training – ni étudiant, ni employé, ni stagiaire) et la façon dont ils changent le Japon.

Remarque : l’article a été traduit dans son intégralité avec la permission du blogueur. Les liens et remarques entre parenthèses ont été ajoutés par Tomomi Sasaki pour référence.

L’espoir grâce aux NEET, pas la guerre  – Une révolution tranquille (lol)

“Il est souvent dit que la structure de ce pays exploite les jeunes générations. Pourtant, les jeunes restent extrêmement calmes, peu enclins à exprimer leur colère dans la rue. Repensez-y, cependant, est-ce vraiment le cas ?

La jeunesse japonaise est peut-être plus rusée et gênante que celle qui fait du grabuge. Depuis peu, je trouve que les personnes identifiées comme NEET ont pris part à une révolution tranquille à travers le pays.

Notez que le mot NEET utilisé dans cet article ne se réfère pas seulement aux jeunes qui ne sont pas étudiants, employés ou stagiaires. J’utilise plutôt une définition plus large, qui inclut une population qui a choisi de ne pas trouver d’emploi stable.

La coqueluche du moment sur la Toile est pha-san [jap]. Le connaissez-vous ? C’est un ancien étudiant de mon université [Université de Kyoto], et je l’ai suivi de près lorsqu’il était celui qui menait des « activités artistiques dignes de la Faculté des Études Humaines Intégrées » [en].

« Franchement, je ne veux pas travailler ! » déclare pha-san.

Une femme qui dit « j’espère devenir femme au foyer » échappera probablement aux critiques sociales. Cependant, lui est un homme issu de la société contemporaine, une société où la valeur moderne du travail, « celui qui ne travaillera pas ne mangera pas », reste forte et ancrée dans les consciences.

Et pourtant, pha-san fait cette déclaration au grand jour. Serait-il le Daisuke des temps modernes ?”

Ceci est une référence à Daisuke Nagase, le protagoniste du roman de Natsume Soseki intitulé Et puis [en] (Sorekara). Une critique de ce roman par Jessica Schneider [en] décrit le personnage de la façon suivante : « (…) un jeune homme qui a passé sa vie à profiter des autres. Il a reçu une éducation de première qualité, c’est un érudit, et il a obtenu des privilèges dont peu peuvent se targuer. Toutefois, il est mécontent car il manque d’un but et de motivation, mais il sent aussi incompris de ses proches, dont son père, qui l’aide financièrement. »

“J’imagine que de nombreuses personnes haïssent pha-san. La raison [de son comportement] est que le système éducatif japonais a greffé dans chaque individu un système d’exploitation (SE) qui développe chez les futurs travailleurs des capacités pour s’intégrer dans la société industrielle. Avec cette injection de SE, l’opinion publique verra simplement ces jeunes qui jurent avec fierté « je ne veux pas travailler ! » comme des produits défectueux. D’ailleurs, accepter le mode de vie de pha-san comporte le risque de devoir renier la façon dont on a vécu sa propre vie. Réagir négativement en s’emportant est également très humain sur certains aspects.

Honnêtement, une partie de moi déteste pha-san avec les tripes. Vous devez gardez en tête que j’ai aussi reçu une dose « de système d’exploitation spécial de développement des futurs travailleurs dociles ». Cependant, penser avec ma tête m’a éclairé sur la nécessité d’échanger ce SE avec autre chose. Je suis actuellement en phase de réhabilitation. Mais assez de bêtises sur moi-même !

Ensuite, vous allez demander qu’elle sera le système d’exploitation de la prochaine génération. Je pense que l’on va assister à la résurrection du point de vue de Huizinga sur les être humains. En d’autres termes, un système où l’on développe la capacité de vivre une vie épanouie dans la « société de l’exhibition » émergente qui s’articule autour de l’introspection. Les NEET de notre pays pourraient être des précurseurs de la prochaine génération.”

« La société d’exhibition » et la « capacité d’exhibition » sont des concepts que ce blogueur a définis et étudiés dans des articles précédents [jap]. Ils renvoient à la capacité d’autoproduction et de création d’identités en ligne/hors connexion, ainsi qu’à une société qui exige des individus cette capacité.

“J’aimerais vous présenter les différents filets de sécurités de l’élite NEET, dont pha-san fait partie. Ce sont des filets de sécurité créés par leurs soins qui ne sont pas spécifiques au Japon.

Le filet de sécurité des médias sociaux

L’élite NEET a une capacité d’analyse de l’information et une capacité d’exhibition très élevées. Ils sont capables d’exercer une influence sur Internet en établissant des liens avec divers environnements urbains. Ces liens connectent les individus dotés d’une capacité d’exhibition avec d’autres individus qui leur sont semblables, et permettent la réalisation d’activités communes dans la vie réelle. Sur son blog, pha-san déclare que « Internet va sauver les personnes sans emploi ». Ce type de déclarations, pha-san, avec son exceptionnelle capacité d’exhibition, peut se permettre de les faire.

A propos, des personnes donnent à pha-san des choses par Internet. C’est un moyen respectueux de l’environnement de connecter deux individus sans passer par un magasin d’objets d’occasion : quelqu’un qui veut se débarrasser d’un bien et quelqu’un qui veut l’acquérir. Vous pouvez en savoir plus sur le sujet dans un article précédent sur les liens sur Internet [en japonais].

Le filet de sécurité de la colocation

La colocation est une nouvelle tendance chez les jeunes générations. En vivant avec plusieurs personnes, il est possible de réduire les dépenses fixes. De plus, savoir que ses amis proches sont toujours à proximité, surtout en période de solitude, c’est un moyen fantastique de se stabiliser.

Il existe même des exemples de colocation qui sont parvenues à se rentabiliser en organisant des séminaires, comme le « logement en style médias » à Tabata, Tokyo.

Les NEET, les oisifs cultivés (高等遊民 “koto yumin”)

Bien qu’ils soient sans le sou, les NEET disposent de beaucoup de temps pour eux. Certains d’entre eux choisissent de passer du temps à voyager, à l’introspection, ou à des activités créatives comme le blogging, l’écriture, et la réalisation de films. Alors qu’ils sont parfois sermonnés par les professionnels, on ne doit pas oublier que des NEET ont probablement donné inconsciemment naissance à des activités créatives lucratives comme celles mentionnées plus haut.

Nous sommes dans une ère où des spécialistes de stratégie économique comme Daniel Pink [en] et Kenichi Omae [en] prêchent l’importance du jeu. Bien sûr, il n’y a rien de mal dans le fait que les NEET ne produisent rien d’utile à la société !

Les NEET sont respectueux de l’environnement

Les NEET ne tiennent pas de propos exaspérant tels que « notre espoir est de faire la guerre ! » ou « faites de moi un employé à temps complet ! ». Ils ont créé de nombreux modes de vie sur la base d’un salaire mensuel compris entre 50.000 et 100.000 yens [entre 450 et 1.100 euros. Le salaire mensuel d’un premier emploi est d’environ 2.500 dollars]. Ils ne s’intéressent pas au consumérisme.

Les tribus NEET-compatibles

Certains pourraient faire remarquer que je parle uniquement d’un petit nombre de NEET d’élite. Mais ces NEET, tels que définis initialement au Royaume-Uni, ne possèdent pas de hauts niveaux de compétences en informatique ou une capacité d’exhibition élevée, compétences en communication qui sont requises pour vivre en colocation, ou pour avoir la formation universitaire de pha-san. Ils auraient absolument raison.

Cependant, si je peux formuler ma pensée sans craindre une mauvaise interprétation… Je pense que les individus qui abandonnent leurs études et qui se définissent comme NEET selon la définition britannique ont le potentiel de devenir comme les élites NEET que j’ai décrites dans cet article.

Peut-être que soutenir les NEET n’est pas simplement les aider à trouver un emploi mais accepter les modes de vie de personnes comme pha-san. Qu’en pensez-vous ?

Je me suis concentré sur les élites NEET mais cette « tribu » est plus que compatible avec d’autres : ceux qui vont à l’étranger pour trouver un emploi, qui travaillent par intermittences au Japon pour se la couler douce dans d’autres pays, ou créent leur propre emploi. Toutes ces tribus qui ont changé les codes des valeurs préexistantes.

Finalement, comme Internet connecte ces tribus entre elles, il est possible que nous assistions aux prémices d’une révolution tranquille.”

Liens utiles (en japonais) :

Note du traducteur : une vidéo sur le phénomène des NEET, diffusée sur la chaine ARTE :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Billet initialement publié sur Global Voices

Image CC Flickr brian glanz

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Les jeunes Grecs entre compromission et anarchisme http://owni.fr/2010/12/17/jeunes-grecs-entre-compromission-et-anarchisme/ http://owni.fr/2010/12/17/jeunes-grecs-entre-compromission-et-anarchisme/#comments Fri, 17 Dec 2010 16:09:37 +0000 audreyminart http://owni.fr/?p=39585

Peut-on appeler ça des émeutes quand les jeunes qui manifestent rencontrent de telles difficultés sur le marché du travail ?

Le trésorier du syndicat des employés de la Banque nationale de Grèce lâche son constat avec un sourire gêné : la veille, la capitale était une nouvelle fois submergée par la révolte des jeunes Athéniens face aux mesures de rigueurs. Les images de l’agression de l’ex-ministre conservateur Costis Hadzidakis ont fait le tour du monde par petits écrans interposés. « Il s’agit plutôt d’actes désespérés… » Une réaction compréhensible de la part d’un syndicaliste… mais surprenante pour l’adhérent du parti conservateur qu’il est. Malgré la violence des dernières journées, une partie grandissante de l’opinion se range aux côtés des jeunes, victimes d’une autre forme de violence : celle du plan d’austérité qui les a frappé de plein fouet.

Obligé de plier face aux exigences des organisations internationales pour obtenir les 110 milliards d’euros d’aide, le Parlement grec a entériné mardi 14 décembre une vague de réformes d’une rigueur historique. Face à des employeurs désormais libérés de toute contrainte pour baisser les salaires et contourner les accords de branche, les Grecs ne peuvent plus compter que sur l’équivalent local du Smic (740€ brut soit 592 euros nets) et composer avec la hausse de la TVA, passée en deux ans de 6,5% à 13%. Sous le doux nom de Memorandum, ce « pacte » réserve aux moins de 24 ans une clause d’austérité supplémentaire sous la forme d’un salaire minimum à 540 bruts, soit environ 450 euros nets.

« Génération 500 euros »

« C’est un désastre », lâche dans un soupire, Natalia, 30 ans, diplômée en droit.

Nous sommes déjà épuisés, et il n’est même pas sûr que toutes ces réformes sauvent vraiment la Grèce de la faillite. Enormément de magasins ferment à cause des augmentations de taxes et du chômage… Mais si aucune activité ne subsiste, qu’allons-nous devenir ?

Après ses études et quelques stages gratifiés à hauteur de 500 euros dans des cabinets d’avocats, elle a fini par changer de voie pour se tourner vers la traduction et son lot de contrats précaires. « J’ai travaillé quelques temps avec Lunea, puis ils ont fait faillite à cause de la crise. Et là je travaille pour d’autres entreprises, mais je n’ai pas été payée depuis juillet… » Les meilleurs mois, elle plafonne à 400 euros, pas de quoi payer un loyer. Condamnée à rester dans la maison familiale, sa tentative de donner des cours à l’université est restée infructueuse : faute de budget, elle est passée de dix-neuf heures l’année dernière à seulement six pour celle-ci.

Derrière les 30% de chômage chez les 15-24 ans (contre 12,6% pour le total de la population active en Grèce en septembre dernier) se bouclent les temps partiels, emplois très précaires et autres formes d’intérim… Sans compter ceux qui sont recalés par une petite subtilité statistique : au delà de six mois d’inactivité, les actifs disparaissent purement et simplement des listes. Situation courante en Grèce dans les temps de crise. Et aucune formation n’y échappe, pas même les plus nobles. « Mes deux filles ont fait des études de médecine. Mon aînée travaillait depuis un an dans un hôpital, mais à cause des réduction de personnel, elle a été licenciée. », désespère Piter, chauffeur de taxi de 60 ans, qui doit désormais subvenir aux besoins de sa femme, qui ne travaille pas, et de ses feux filles… âgées de 35 et 37 ans.

Se rapprocher du parti majoritaire pour échapper à la rigueur…

Poussée dans ses derniers retranchements, Natalia pense user d’une facilité dont elle aurait préféré se passer : « Il me reste peut-être une solution : faire de la traduction de documents politiques. »

Paradoxe de la crise : se rapprocher du parti au pouvoir responsable de la politique de rigueur est devenu « le meilleur moyen de trouver un emploi », si l’on en croît la sociologue Andromaque Hadjighianni, du Centre National de Recherches en Sciences Sociales d’Athènes.

« Vous avez rencontré un membre du Pasok [le Parti Socialiste majoritaire, NdR] ? Surtout ne le croyez pas ! Ils mentent tous », prévient Diamond, 24 ans, sympathisant communiste, « esprit libre » selon ses termes. C’est avec un dégoût non dissimulé qu’il explique que sa sœur, après des études de journalisme, a fini par rejoindre le Pasok à 22 ans, parce qu’elle ne trouvait pas d’emploi. « Il est de plus en plus fréquent que les étudiants se rapprochent des partis politiques dès l’université, non pas par adhésion idéologique, mais bien pour trouver un emploi », confirme une jeune étudiante militante, préférant garder l’anonymat, qui manifestait mercredi.

Phénomène clientéliste (« je te donne du travail, tu me donnes ton vote ») que confirment en coeur sociologues et syndicalistes : « c’est un secret de polichinelle. » Même si les jeunes dénoncent d’une seule voix ces pratiques, ils sont de plus en plus nombreux à ne pas envisager leur avenir autrement que par ces compromissions…

L’anarchisme plutôt que la compromission

Dans les urnes, c’est la révolte qui prime avec une absentéisme massive des jeunes, en partie responsable de l’explosion de l’extrême droite lors des élections … d’octobre. Pour d’autres, le désintérêt politique atteint le refus pur et simple de la démocratie grecque sous la forme de l’engagement anarchiste.

« C’est important à saisir : les jeunes, quand ils sont de « gauche » en Grèce, sont anarchistes, explique Julie, Franco-Grecque, et familière du milieu. Donc un jeune anarchiste grec, ce n’est pas comme un jeune anarchiste français : c’est juste un type normal, comme on en rencontre des tas. » Un “type normal”, aussi bien capable de lancer des projectiles sur une police qu’il hait profondément ou de détruire un parking pour y planter les arbres d’un “parc auto-géré”, que de donner des cours de grec aux immigrants, d’organiser des évènements culturels ou encore de discuter calmement politique pendant des heures au café du coin.

Les émeutes qui ont eu lieu lors de la manifestation de mercredi, malgré leur violence, n’ont pourtant pas été parmi les plus dévastatrices. Il y a deux ans déjà, toute la Grèce avait été frappée par les émeutes après la mort du jeune lycéen Alexis Grigoropoulos, tué par un policier, événement devenu véritable emblème pour le mouvement anarchiste. « La crise et le chômage peuvent expliquer que certains choisissent l’activisme dur, avance Konstantinos Kanelopoulos, chercheur spécialisé dans les mouvements contestataires. Si les manifestations violentes sont nombreuses depuis 2002, elles n’ont jamais autant concerné de monde, et de jeunes. Si radicalisme et violence augmentent, je pense que cela se doit essentiellement à la répression d’un gouvernement corrompu et inefficace ». Une vraie et générale révolte de la jeunesse grecque serait-elle envisageable ? La seule réponse qui semble timidement, mais naturellement, venir à la bouche, autant des chercheurs en sciences sociales que des syndicalistes, mais aussi des jeunes, engagés ou non, est « probable ».

Jusqu’à faire douter, parfois, qu’ils n’espèrent pas au fond que les jeunes passent à l’action à leur place.

Photos : Audrey Minart.

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Qui sont les jeunes ? http://owni.fr/2010/12/17/qui-sont-les-jeunes/ http://owni.fr/2010/12/17/qui-sont-les-jeunes/#comments Fri, 17 Dec 2010 07:00:43 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=39484 Chômage, discrimination à l’embauche, retraites de plus en plus illusoires, peur du déclassement, précarité, taux de suicide élevé : “la jeunesse” est souvent au cœur des politiques publiques. Pourtant, cette notion n’a jamais été aussi floue.

Si la notion d’enfance apparaît dans le vocable politique et sociologique dès le XIXème siècle, la notion de jeunesse apparaît, elle, beaucoup plus tardivement, un peu avant les années 1950. C’est sous le régime de Vichy que sont mises en places les premières politiques en direction de la jeunesse, qui ont alors pour principal but de l’embrigader dans le régime autoritaire du maréchal Pétain. Mais dès les débuts de la IVe République, la jeunesse se voit dotée de son premier maroquin ministériel, en la personne d’Andrée Viénot, (SFIO) sous-secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports.

Au fil du temps, trois grandes classifications ont été retenues et ont cohabité dans le lexique politique. On trouve dans un premier temps une classification d’ordre physiologique, où la jeunesse est le moment où le corps se transforme pour devenir celui d’un adulte. Rapidement, cette définition laisse la place à une catégorisation plus institutionnelle, où la jeunesse est une “tranche” de la population française. C’est le type de découpage qui est par exemple retenu par l’INSEE, qui situe les jeunes entre 15 et 24 ans. Cette classification cohabite avec une démarcation plus diffuse, d’ordre plus générale : selon la sociologue de la jeunesse Véronique Bordes, la jeunesse serait considérée par beaucoup comme une période d’“imitation des générations précédentes ou d’expérimentation de nouvelles règles de vie”.

Perception de la jeunesse, jeunesse de la perception

Mais ce sont surtout les médias qui sont à l’origine de la construction des représentations actuelles de la jeunesse. Les années 70-80 marquent une vraie rupture, et la jeunesse est vite perçue comme un vecteur de danger et d’insécurité, tendance renforcée par l’instabilité qui apparaît dans certaines banlieues.

Les représentations de la jeunesse sont alors doubles : elle apparaît d’une part autonomisée de la société des adultes, ce qui engendre des tensions et des affrontements, et d’autre part comme un temps de socialisation et de formation, fortement différencié de celui des adultes, qui s’illustre dans la massification de l’enseignement (objectif d’amener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat, stages Granet pour améliorer la formation professionnelle…).

C’est en fait tout le processus de socialisation qui a été bouleversé, explique encore Véronique Bordes :

Nous sommes passés d’un modèle d’identification à l’adulte par imitation et transmission (la reproduction) à une socialisation dont le processus est continu tout au long de la vie.  Cela suppose une adaptation à une société fragmentée en de multiples micro-mondes sociaux qui ont chacun leurs normes. Aujourd’hui, être socialisé signifie être capable d’avoir accès à des codes de langage, de comportement différents et savoir les utiliser de façon opportune.

“Progressivement, la jeunesse est passée d’un modèle de « l’identification» fondée sur l’héritage, associée à la figure du père, à un modèle de « l’expérimentation » où cette identité se construit au gré des expériences socialesexplique encore la sociologue.

Dans son livre Genèses De L’insertion – L’action Publique Indéfinie paru en 1999, Chantal Guerin-Plantin résume en 4 modèles nos principales représentations de la jeunesse :

  • Une “jeunesse citoyenne” : réplication des principes de la société adulte (partis politiques de jeunes, mouvement de jeunesse…)
  • Une jeunesse “dangereuse et en danger”, à l’origine de la majorité de la délinquance et de la criminalité.
  • Une jeunesse “messianique” : les jeunes sont en rupture avec la société, vecteurs de changement social.
  • Une jeunesse “fragile” : qui doit être protégée par divers mécanismes (censure, justice).

Bien souvent, la notion de jeunesse et la représentation qui en est faite sont trop réductrices, car une telle catégorie sociale homogène n’existe pas. L’enjeu de cette définition est pourtant au cœur des politiques publiques. Et les sociologues sont unanimes : pour repenser les politiques en direction de la jeunesse, il convient de repenser les représentations. Et il y a urgence, car le pessimisme et le mal-être de la jeunesse française sont à leur paroxysme. Olivier Galland, sociologue spécialiste de la jeunesse et auteur de « Les jeunes Français ont-ils raison d’avoir peur? » (éd. Armand-Colin) l’expliquait au Parisien pendant les manifestations contre la réforme des retraites :

Ce sentiment [de pessimisme] est partagé par toute la société française et la mondialisation l’a encore renforcé. Les jeunes sont, en outre, confrontés à un taux de chômage près de deux fois et demie plus fort que celui des adultes et, depuis trente ans, malgré tous ses efforts, la France n’a pas réussi à inverser cette tendance. D’autre part, le marché du travail est organisé autour de la fracture entre CDI et CDD et ce sont les jeunes, chez qui la proportion de CDD est beaucoup plus forte, qui supportent le poids de cette flexibilité. Enfin, en période de crise, ce sont les emplois précaires qui sont touchés les premiers, donc les jeunes sont en première ligne.

C’est également le sens d’une grande étude réalisée en 2008 par l’Express et la Fondation Pour l’Innovation Politique en interrogeant près de 20 000 jeunes de 16 à 29 ans sur trois continents pour connaître leur point de vue sur leur avenir. Le tableau qui y est brossé est très peu reluisant pour la jeunesse française, qui apparaît comme la plus amorphe, la plus inquiète et la plus déprimée des pays étudiés. Les jeunes Français(es) font grise mine face aux Américains ou aux Scandinaves : par exemple, quand 63 % des jeunes Américains sont convaincus que les “gens peuvent changer la société”, seulement 39 % des jeunes Français sont du même avis.

Commentant cette étude, François de Singly, professeur de sociologie à l’Université Paris-Descartes a d’ailleurs cette phrase glaçante :

Parmi tous les pays étudiés, seuls les jeunes Français considèrent que l’obéissance est une valeur plus importante à transmettre à leurs enfants que l’indépendance.

Tout un programme.

Retrouvez l’ensemble de notre dossier sur la jeunesse et découvrez notre sondage autour de l’emploi des jeunes :

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Crédits Photo CC Flickr : Dunechaserbrizzle born and bred, -Charlotte Gonzalez-

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http://owni.fr/2010/12/17/qui-sont-les-jeunes/feed/ 3
[sondage] Les Français, les jeunes et le travail http://owni.fr/2010/12/17/sondage-les-francais-les-jeunes-et-le-travail/ http://owni.fr/2010/12/17/sondage-les-francais-les-jeunes-et-le-travail/#comments Fri, 17 Dec 2010 06:00:35 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=39347 En août dernier, OWNI se payait l’Ifop en critiquant vertement un sondage autour de la politique anti-Rom de Sarkozy (Ifop a déconné, le 6 août 2010). Suite à cet article, Yves-Marie Cann, directeur d’études au Département Opinion et Stratégies d’entreprise de l’Ifop, a répondu aux questions d’OWNI sur les problèmes de mesures d’opinion.

Au fil des échanges, un lien s’est créé entre l’Ifop et OWNI. Nous les avions critiqués sévèrement – il était normal qu’ils nous mettent au défi de faire mieux. Défi relevé, puisque nous présentons aujourd’hui le concept de “sondage augmenté”, réalisé avec l’Ifop.


L’Ifop nous a offert trois questions dans un sondage omnibus, sur le thème de notre choix, avec comme seule contrainte de réaliser une interface de consultation des résultats. Vous pouvez filtrer les résultats au plus précis (un avertissement vous prévient lorsque l’échantillon considéré devient trop petit pour avoir une validité statistique). Par ailleurs, les utilisateurs peuvent participer à l’étude et donner leur avis. On peut ainsi comparer les résultats des internautes avec ceux des sondés.

Face à l’opportunité offerte par l’Ifop, nous avons choisi de traiter un aspect de l’un des plus gros défis de nos sociétés : l’accès des jeunes à l’emploi. Nous avons voulu savoir comment les Français appréhendaient le problème et quelles solutions ils proposaient.

Minimisation politique

Quel est le taux de chômage des 15-24 ans ? En posant la question sans proposer de choix multiples, nous voulions savoir comment les Français percevaient le problème. Le taux officiel était, en 2009, de 22.8% selon l’OCDE et de 23.6% selon l’INSEE. La sondés, en moyenne, l’ont évalué à 21.1%. Pas mal. On pourrait penser que, le sondage étant auto-administré, les utilisateurs ont vérifié le taux officiel sur Wikipédia, mais les chiffres sont suffisamment variables pour que l’on puisse considérer que quasiment personne ne l’a fait.

Les résultats deviennent intéressants quand on s’intéresse à l’âge et aux opinions des sondés. Chez les plus de 35 ans, l’estimation est de 20%, contre 23% chez les plus jeunes.

Chez les sympathisants UMP, la minimisation est encore plus forte. Ils estiment le chômage des jeunes à 19%, contre 23% pour les sympathisants du Front de Gauche. Rien d’exceptionnel, si ce n’est une nouvelle preuve de la sélection que l’on fait, chacun, de n’écouter que les informations qui renforcent nos opinions.

Une autre question concernait les solutions à mettre en œuvre pour lutter contre le chômage des jeunes. Les sondés avaient le choix entre huit solutions, toutes déjà proposées dans un précédent sondage Ifop, en juin 2009. On voit là que les réponses restent stables. Les personnes interrogées placent encore la formation professionnelle en tête des solutions à mettre en œuvre, suivie d’une meilleure orientation des élèves et des étudiants. Seul le service civique obligatoire dégringole. 28% des sondés le plébiscitaient en 2009, ils ne sont plus que 17% aujourd’hui.

« yapa 2 job pour lè jen »

Enfin, nous avons demandés aux sondés quelles étaient, selon eux, les causes du chômage des jeunes. Au-delà de ce jeune de 21 ans déclarant que « yapa 2 job pour lè jen » (faut pas s’étonner de pas en trouver si t’écris comme ça, coco), les 950 réponses montrent une compréhension homogène du problème à travers les classes d’âge.

Jeunes et moins jeunes s’entendent sur le diagnostic : manque de formation, pas assez d’emplois en France et des entreprises frileuses quand il s’agit de donner sa chance à un candidat sans expérience.
Très peu de sondés rejettent la faute sur les chômeurs eux-mêmes (1 sur 20, à peu près). Ceux-ci sont également répartis à travers les âges. Les deux citations ci-dessous ont été écrites par un jeune de 24 ans et un vieux de 70 ans. Qui a dit quoi ?

Celui qui cherche, trouve du travail.

C’est des faignants.

Ces réactions mettent surtout en avant le niveau des sondés en économie. Une bonne partie d’entre eux explique le chômage des jeunes par une surabondance de vieux. « Le marché se renouvelle trop lentement » explique un sondé de 21 ans. Pour eux, le travail est une quantité fixe qui se partage entre tous les actifs. Pourtant, rien n’est moins vrai que ce qui ressemble à une évidence de bon sens. Comme le soulignent les éconoclaste:

Les pays qui connaissent les taux de chômage les plus faibles sont aussi ceux pour lesquels la croissance de la population active a été la plus élevée.

Retrouvez l’ensemble de notre dossier sur la jeunesse et découvrez notre sondage autour de l’emploi des jeunes :

Illustration CC FlickR par julien `

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