David Hyman, PDG de MOG: YouTube, la gratuité et le reste…

Le 26 février 2011

Cet article est une réponse à "YouTube : un modèle gratuit qui paye ?". Ici, c'est le PDG de MOG qui s'interroge sur l'impact du site de vidéos sur l'industrie de la musique.

Kyle Bylin est à l’origine du site américain Hypebot.com, qui se fait l’écho des évolutions de l’industre de la musique. Vous pouvez le retrouver sur Twitter (@hypebot, @kbylin)

Cet article est une réponse à l’article : “Youtube : un modèle gratuit qui paye?

J’ai eu l’occasion d’échanger avec David Hyman, le fondateur et PDG de MOG, un service musical basé sur le “cloud”. Au cours de cet entretien, David et moi-même abordons l’impact de YouTube sur la musique et pourquoi les périodes d’essai gratuites sur les services de musique par abonnement doivent être allongées.

Ce qui suit est une version éditée de notre conversation.

Hypebot : Bonjour Dave, merci de m’accorder un peu de votre temps.

David Hyman : Bonjour !

Commençons doucement, nous passerons progressivement à d’autres sujets. Eliot Van Buskirk, du site Evolver.fm, a récemment publié un article à lire absolument. Il y disait des choses intéressantes sur YouTube. Globalement, ce service a beaucoup apporté à la musique, mais paradoxalement, il lui fait sans doute aussi du tort. Pensez-vous que YouTube, avec toute sa musique en accès libre et le fait que chacun puisse y partager ce qu’il veut, soit néfaste pour MOG ?

Je ne pense pas que nous perdions des abonnés au profit de YouTube. Cette expérience (YT) concerne plutôt les tubes. On ne peut pas y écouter une succession de chansons. Il n’y a pas de programmation passive. Pas de playlists. Pas d’albums. Le principe est plutôt : “un titre à la fois”. Avant 1985 on ne faisait pas de clips vidéo, et pourtant il y a eu beaucoup de BONNE MUSIQUE avant 1985 ! Après cette date, la video a été cantonnée à quelques chansons par album au mieux. Si vous voulez entendre les tubes, écoutez la radio ou allez sur YouTube. Je ne crois pas que nos abonnés soient ce type de consommateurs.

D’accord. L’autre point soulevé par Buskirk dans son papier concerne le fait que la plateforme pousse de nombreux développeurs à intégrer l’API de YouTube, au lieu d’essayer de monter des partenariats avec des services existants comme MOG. Le fait que l’API de YouTube soit disponible porte-t-il préjudice à MOG du point de vue de l’innovation et de l’intégration ?

Je n’ai aucun site séduisant utilisant l’API YouTube pour offrir une expérience d’écoute satisfaisante qui me vienne à l’esprit. Nommez-en un ! Vous voyez, YouTube ne nous rend pas service. Mais il ne nous fait pas vraiment de mal, voire pas du tout. Ca me fait juste un peu mal au coeur. Mais je n’en suis pas non plus à perdre le sommeil en m’inquiétant des projections de MOG par rapport à YouTube !

Et SoundHound alors ? Plutôt que de recommender des streams de 30 secondes depuis MOG, leur app envoit les gens vers Youtube.

C’est vrai. Mais Soundhound veut aussi inclure MOG ! Ce sera bientôt le cas. On peut payer à Soundhound des frais d’affiliation. Qu’est ce que Youtube paie à Soundhound ?

Bien vu. Passons ! Un des sujets qui m’interpellent le plus concerne les périodes d’essais gratuits. Pensez vous qu’elles soient trop courtes ?

Bonne question ! Je ne pense pas qu’on ait suffisamment de données pour le moment. Je dirais que Netflix se débrouille très bien pour ce qui est de proposer des prestations satisfaisantes dans le cadre d’une période d’essai de durée comparable.

Et pour les films, est-ce différent ?

Peut être ! Je crois qu’on va en arriver là. Pour fournir davantage que ce que l’on fournit déjà, cela coûterait davantage aux labels. Et quand bien même, ils restreindront toujours la quantité de contenu gratuit que l’on peut proposer. Les frais associés à la mise à disposition de contenu gratuit au delà de la période d’essai gratuit que nous proposons sont prohibitifs. Les labels exigent des taux plutôt élevés sur la base du “par titre/par stream”. La modélisation qu’on a faite nous apprend qu’on ne pourrait pas compenser les coûts par la conversion et la publicité. Est-il possible qu’on ait tort ? Oui. Les taux sont très élevés, croyez-moi. Si je pouvais donner davantage et faire fonctionner le modèle, je le ferais. Nous passons une bonne partie de notre temps chaque jour à plancher sur ce sujet.

C’est aussi comme ça que je vois les choses. Les coûts sont beaucoup trop élevés, quoi qu’on en dise.

Nous essayons de trouver des solutions pour donner gratuitement de manière restreinte et ce de mieux en mieux et avec succès ! Ma seule inquiétude, c’est qu’une fois qu’on passe de “gratuit” à “gratuit restreint”, cela devient un “essai gratuit” et donc on perd l’intérêt de la vraie gratuité. Avec les coûts auxquels on fait face, on ne peut pas fournir du vrai gratuit.

J’imagine que le “gratuit restreint” au final ce serait une fonction “radio” ou du streaming limité. Pour moi, le bon côté d’un tel arrangement est que cela donne aux amateurs de musique le temps de se construire leur bibliothèque musicale. Plus ils aiment de chansons (chacune étant stockée dans leur bibliothèque), plus il est facile pour eux de devenir “propriétaires” de ces titres et de voir la valeur qu’a le fait de payer pour y accéder.

Je suis d’accord.

De mon point de vue, le cas des films est bien différent de celui de la musique. Je dirais que les gens ne se considèrent pas propriétaires des films qu’ils regardent en streaming sur Netflix parce qu’ils ne sont pas sensés l’être. La musique, ce n’est pas comme le cinéma. C’est plus comme le canapé que vous louez. Une fois qu’il est chez vous, vous avez du mal à voir comment vous allez en faire “votre” canapé. Une fois la période d’essai passée, vous n’aurez plus envie de vous en séparer. En vrai, vous pensiez que vous l’aviez loué, mais en fait, vous l’avez dors et déjà acheté.

Bien vu. Je dirai ceci : ne prenez pas ce qui suit pour argent comptant, ce n’est qu’une question de données… On a testé deux options : barrière de péage contre accès gratuit. Demander aux gens de payer avant d’utiliser l’essai gratuit s’est révélé meilleur en termes de conversion, au même niveau que le revenu net. On a tendance à penser que les choses dépendent davantage de comment le visiteur est arrivé sur site. Dans certains cas, ce serait mieux sans paywall. Et cela dépend aussi de la plateforme utilisée : smartphone, web etc…

Je crois que vous avez raison. Là tout de suite je ne me souviens pas des études faites à ce sujet. Mais globalement, nous échouons à prendre en compte la variable “origine” dans la prise de décision. Alors, comment se séparer du fardeau de la “propriété” sans pour autant enlever les avantages cognitifs ?

Les gens doivent pouvoir accéder à la musique de partout : depuis leur voiture, leur télé, leur téléphone, et leur console de jeu. Partout. Je pense que les bénéfices de la propriété sont déjà morts. Le problème, c’est principalement un manque d’éducation.

Tout à fait. Autre chose : quand on dit (et par “on” je veux dire “je” !) qu’il faut que les utilisateurs assument la propriété de leur musique, ça ne veut pas dire grand chose. Une génération entière de fans n’a absolument aucune idée de ce que signifie “posséder de la musique”, sous quelque forme que ce soit. Cette génération n’a d’ailleurs jamais eu à faire d’effort non plus pour la trouver.

Oui, comme ma fille de 7 ans. Elle a MOG sur un iPod dans une station d’accueil Altec Lansing dans sa chambre. Elle est accro. Elle ne sait pas faire la différence entre le téléchargement et le streaming. Allez, je dois me sauver !

Pas de problème, merci d’avoir pris le temps de discuter !

Cet article est une réponse à l’article : “Youtube : un modèle gratuit qui paye?

Article initialement publié sur Hypebot.com

Illustrations CC FlickR: william couch, orange_beard, samantha celera

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