Plongée au cœur du graphène

Le 5 octobre 2010

Le graphène vient de valoir à ses deux inventeurs, Andre Geim et Konstantin Novoselov, le prix Nobel de physique 2010. En 2007, des physiciens français se retrouvaient pour un premier workshop consacré à ce matériau unique.

Le graphène vient de valoir à ses deux inventeurs, Andre Geim et Konstantin Novoselov, le prix Nobel de physique 2010. En 2007, des physiciens français se retrouvaient pour un premier workshop consacré à ce matériau unique. Voici le récit de cette rencontre.

Ils pensaient être 30. Ils sont finalement une centaine, rassemblés à Orsay pour un premier workshop consacré à un sujet qui monte, que dis-je qui explose, le graphène. Le graphène est une nouvelle molécule aux propriétés électroniques remarquables. C’est un cristal plat (le plus plat du monde) uniquement constitué d’atomes de carbone disposés régulièrement en nid d’abeilles. Il pourrait bien remplacer le silicium de la microélectronique. Ou être plus efficace que les célèbres nanotubes de carbone. Nous n’en sommes pas là. Mais depuis sa mise en évidence bien réelle en 2004, c’est un peu la folie dans les labos. “Je compte environ un article par jour depuis un an. Le rythme est tel que nous devons faire une réunion hebdomadaire dans le labo pour suivre”, témoigne l’un des co-organisateurs de ce workshop.

Ça commence fort

Le directeur du laboratoire, hôte de la conférence, commence fort. “Le graphène est un sujet non programmé par les technocrates, et non réductible à sa dimension “nano”". Pan ! pour la tendance à vouloir tout financer sur projet. Pan ! sur les effets de mode autour des nanotechnologies.

La suite est tout autant inattendue mais surtout émouvante : une minute de silence pour Pierre-Gilles de Gennes, dont le décès a été annoncé le jour même. Le physicien avait passé 10 ans dans ce labo entre 1961 et 1971.

Les secrets du graphène

Puis le graphène entre en scène. Le premier orateur commence avec ironie. “Je vais vous raconter de la vieille physique et pas de nouvelles choses”. Moi qui m’attendais à des révélations fracassantes, ça commence mal. Non, en fait ça commence très bien car c’est un véritable petit cours de physique du solide reprenant les bases de la structure électronique des solides. C’est extrêmement pédagogique. Quand on pense qu’il y a un an ce jeune maître de conf’ s’occupait d’atomes froids… En fait, s’il explique qu’il n’y a rien de neuf, c’est qu’on connaît presque tout du graphène depuis…1947, sur le papier. Le problème est qu’on pensait que ce cristal ne serait jamais stable en deux dimensions, et qu’il voudrait se mettre en tube (nanotube) ou en boule (fullerène). Soudain c’est la panne de projecteur. Pas de problème pour le brillant orateur, il continue au tableau, comme un prof (dont les élèves sont presque tous plus âgés que lui !).

Petit à petit, le graphène révèle ses secrets, ses mystères et ses belles propriétés. “On ne sait pas comment l’appeler. Ce n’est ni un métal, ni un semiconducteur, ni un isolant”, explique le chercheur. Et, il avertit : “attention aux notations. Chacun utilise les siennes. J’ai mis du temps à le comprendre”. J’avoue que je commence à lâcher prise…

A la fin de l’exposé, les questions fusent. “Et si on le dope ? (le graphène, pas l’orateur)”. “Et si on met du désordre ?”. Quelles drôles de questions…

Mise en pratique

A la pause, l’enthousiasme est palpable. Certains poursuivent les discussions à une table sur du papier. Quelques uns sont contents de se retrouver. Il y a des curieux, pas encore familiers du graphène, comme ces physiciens travaillant sur des gaz d’atomes froids ou sur des gaz d’électrons à deux dimensions. A la reprise, c’est un cours de cuisine, sur trois façons de faire du graphène. Il y a la méthode “historique”, la plus simple : une mine de crayon à papier et du scotch. Avec le scotch on arrache feuille par feuille des tranches de graphite et dans le lot on espère trouver une monocouche de graphène. Comme ce n’est pas si facile, la start-up anglaise qui en fabrique fournit un petit plan avec une croix à côté de l’endroit où se trouve le fameux graphène…

Konstantin Novoselov, qui a co-inventé cette technique et vient d’obtenir le prix Nobel, en profite aussi pour ré expliquer des choses vues dans le premier exposé. D’une autre façon !

La seconde recette est franco-américaine : on met deux heures au four à 1400 degrés du carbure de silicium et hop, le silicium s’en va laissant des plans de carbone en surface. C’est très rapide à faire mais d’après l’assistance ça ne fait pas le même graphène !?! La troisième recette est vraiment française et utilise de la colle (“On en a testé des dizaines avant de trouver la bonne”, raconte l’orateur). Du graphite est collé sur une surface puis retourné et pressé sur une autre. D’un coup de scalpel on enlève le support et à coup de scotch, on exfolie le graphite jusqu’à avoir du graphène. L’avantage est que la couche est très plate.

Puis, j’ai abandonné les physiciens à leurs exposés qui se compliquaient de plus en plus…

>> Billet initialement publié sur le blog “À la source”.

Illustration FlickR CC par qwertyuiop.

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